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lundi 24 décembre 2012

Bibliothèques, guerre et prêt

Après l'article Les bibliothécaires défendent la gratuité des prêts retrouvé dans un Monde des Livre datant de 1995, cinq ans plus tard, ce sont les auteurs qui montent au créneau. Deux camps s'opposent. L'article est signé Alain Salles (aujourd'hui correspondant du Monde en Grèce).


Bibliothèques, guerre et prêt 

Alain Salles Le Monde (avril 2000)

La lettre était enfin prête, mais il a fallu la changer au dernier moment. Elle était adressée à Catherine Trautmann, qui était en train de préparer ses valises pour laisser la place à Catherine Tasca au ministère de la culture et de la communication. Celle-ci l'a trouvée pratiquement en arrivant au ministère, mardi 28 mars. Emmenés par le Syndicat national de l'édition, la Société des gens de lettres, et la Société française des intérêts des auteurs de l'écrit (Sofia), 288 auteurs ont interpellé la ministre en estimant que les prêts sans rémunération de livres dans les bibliothèques s'apparentaient à une "contrefaçon".


La liste regroupe des écrivains de tous styles, venant principalement des éditions de Minuit, de POL, d'Albin Michel, de Grasset, de PIon ou des PUF: Pierre Assouline, Nicole Avril, Christophe Bataille, Pierre Bellemare, René Belletto, Tahar Ben Jelloun, Juliette Benzoni, Yves Berger, Philippe Bouvard, Michel Braudeau, Emmanuel Carrère, Jean-Claude Carrière, Hervé de Charette, Bernard Clavel, Christine Clerc, François de Closets, André Comte-sponville, Marie Darrieussecq, Jean Diwo, Jean Echenoz, Louis Gardel, Henri Gougaud, Hervé Hamon, Roland Jaccard, Thierry Jonquet, Pierre Lepape, Bernard-Henri Lévy, Patrick Modiano, Amélie Nothom, François Nourrissier, Plantu, Patrick Rambaud, Yasmina Reza, Michel Rio, Alain Robbe-Grillet, Denis Roche, Olivier Rolin, Jean Rouaud, Claude Simon, Robert Solé, Jean-Philippe Toussaint, Henri Troyat, Zoé Valdès, Martin Winckler, etc.


La position de ces éditeurs et auteurs ne fait pas I'unanimité. De nombreux écrivains, chez Gallimard notamment, ont refusé de signer. D'autres changent d'opinion. Régine Deforges, qui a renvoyé la lettre signée à Albin-Michel et au Cherche Midi, demande aujourd'hui qu'on n'en tienne pas compte . Jean Pierre Vernant explique qu'il est en fait hostile au prêt payant par les usagers, tandis que Ie nom d'Amélie Nothomb figure à la fois sur la pétition des auteurs et éditeurs et sur la contre-pétition lancée par la directrice du

Salon du livre de la jeunesse de Montreuil, Henriette Zoughebi, qui demande un versement forfaitaire aux auteurs, par l'Etat, au titre du droit de prêt dans les bibliothèques . Cette pétition-ci regroupe une centaine de signatures, parmi lesquelles Pierre Bergounioux, François Bon, Michel Chaillou, Marie Desplechin, Pierre Dumayet, Jacques Lacarrière, Marie Nimier, pef, Daniel Picouly, Claude Ponti, Jean Vautrin, etc. D'autres ont publiquement manifesté leur hostilité au prêt payant, comme Jean-Marie Laclavetine, Michel Onfray, Dan Franck ou Baptiste-Marrey. 


RÉVISION DE LA LOI LANG ?

De son coté, I'Association des bibliothécaires français a envoyé une lettre ouverte aux auteurs signataires, dans laquelle elle explique que: pour tous les auteurs qui confirmeraient clairement leur volonté de ne plus voir leurs livres prêtés en bibliothèque gratuitement (précisons néanmmoins que, sur tous les ouvrages acquis en bibliothèque, nous payons bien entendu des droits d'auteur attachés à l'ouvrage, comme tout acheteur, que cet ouvrage soit ou non prêté !), nous diffuseront votre décision à toutes les bibliothèques, et informerons les lecteurs de la raison de cette interdiction du prêt que nous devrions leur imposer. L'ABF estime toutefois qu'il serait dommage que les principaux acteurs de la chaîne du livre participent ainsi à sa rupture. 

Chacun campe sur ses positions, soulagé de les avoir clairement exprimées. Les regards sont tournés vers le cabinet de Catherine Tasca, qui vient de nommer un nouveau conseiller pour le livre, André Ladouce, venu du quai  d'Orsay, où il s'occupait de la francophonie. La ministre de la culture a déclaré sur LCI q'elle comprenait que les auteurs aient une certaine angoisse sur l'économie de leur profession. D'un autre coté, a précisé Catherine Tasca, mon idée de la politique culturelle, de la décentralisation, me conduit à ne pas envisager d'affaiblir ou de compromettre la politique de la lecture publique. La lecture publique, l'accès gratuit aux livres, a-telle conclu, c'est ce qui fait qu'un nombre très grand de gens s'intéressent aux livres. On ne peut pas le mettre en danger, ce serait aller contre les intérêts des éditeurs et des auteurs. 

Catherine Tasca va rencontrer les différentes parties prenantes et chercher un moyen de sortir de la crise. La direction du livre travaille depuis un certain temps à une solution qui permettrait de résoudre en même temps la question du droit de prêt et celle de du plafonnement des remises aux collectivités locales. En effet, de nombreuses bibliothèques achètent leurs livres à des grossistes qui pratiquent des rabais importants que ne peuvent suivre les libraires. La situation s'est compliqué quand la Fnac a repris l'un de ces principaux grossistes, la Société françaises du livre. Editeurs et libraires demandent une révision de la loi Lang permettant de réduire le montant de ces rabais. 

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