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lundi 30 septembre 2013

Pierre Lemaître- Robe de marié (thriller)

Robe de marié de Pierre Lemaître, Livre de poche, 2009, (6,50 euros).


C'est un genre en soi: le thriller manipulateur. Le lecteur s'abandonne à l'histoire et tourne les pages à un rythme effréné.
- Quel est le nom de la folie de Sophie qui sème les cadavres autour d'elle, fuit sans relâche et tente de se reconstruire une nouvelle identité ? Est-elle manipulée ou pleinement responsable de ses actes ?
- Qu'est-ce-qui motive les actes diaboliques de cet homme qui nous narre son obsession dans son journal intime jusqu'à provoquer le malaise chez le lecteur. J'en suis arrivé à sauter des passages et à survoler...Ce journal fictif est à peine supportable, j'avais hâte que cette partie prenne fin !
Est-ce que ça va bien finir, est-ce que ça peut bien finir ?
Voilà toutes les questions qui traversent l'esprit du lecteur tandis qu'il avance dans l'histoire.

C'est un beau travail de technicien du roman avec une belle maîtrise des points de vue. D'abord fixé sur Sophie dans la première partie. On est collé au personnage, on observe de près cette animale traquée, son corps et ses réactions, les montées d'adrénaline et le fonctionnement de son esprit, parfois ultra efficace, "Dans les situation d'urgence, c'est drôle comme les idées s'enchaînent" et souvent étrangement défaillant, notamment la mémoire....Elle ne se voit jamais tuer. Elle se réveille et découvre les cadavres...

Puis dans la deuxième partie, le journal d'un génie du mal, ou l'écrivain épouse à la perfection le regard d'un pervers sur la normalité.
 «...je les ai vus faire. Je ne distinguais pas tout, hélas, mais c'était tout de même assez excitant. Mes tourtereaux ne semblent pas avoir beaucoup de tabous (...) une belle jeunesse bien tonique. J'ai pris des photos. L'appareil numérique que j'ai acheté est parfait lui aussi. Je retravaille mes clichés sur mon petit PC portable et j'imprime les meilleurs, que j'épingle sur mon tableau de liège. » P.146  
Et la vengeance finale, inattendue... Le tout servi par un style très concret, un vocabulaire nourri par le réel « Jondrette lui tend un stylo bille à l'enseigne d'un garage», « Un thé très fort qui ne laisse aucune haleine ». Bref un polar "turn over" dont on peut ensuite se faire le plaisir de disséquer l'horlogerie romanesque. Pour les amateurs !
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Ce qui m'a donné envie de lire Pierre Lemaître: un portrait dans le Monde des Livres, à l'occasion de la sortie de son dernier roman. Voici un extrait:

Jusqu'au milieu des années 2000, ce conteur né s'était résolu à n'être qu'un passeur, un autodidacte dispensant des cours de culture générale aux agents des collectivités locales et assurant des séminaires pour les bibliothécaires: histoire de la littérature française ou européenne, panorama des lettres américaines, analyse de texte...« Toutes ces années où j'enseignais, j'ai moi-même beaucoup appris. J'ai consolidé ma culture, systématisé mes connaissances, comblé mes lacunes. » Se libérer de ses doutes écrasants fut plus douloureux, un travail patient.
« Mes parents, petits employés de bureau, sacralisaient la littérature. C'est un truc qui vous inhibe. » résume-t-il avec pudeur. Dès la création du livre de poche, en 1953, sa mère fit l'acquisition de tous les romans paraissant dans ce petit format qui révolutionna l'édition. « Ils constituaient l'intégralité de notre bibliothèque. » Et son unique évasion. Élevé à Drancy, entre des parents qui sortaient peu, Pierre Lemaître eut une enfance heureuse mais triste. Au vrai, il y a encore un peu de ça chez lui: une fébrilité inquiète doublée d'une joie presque enfantine lorsqu'il évoque des écrivains.
A l'entendre au Café Livres, le troquet parisien où il travaille lorsqu'il n'écrit pas chez lui, à Courbevoie, pendant que sa fille de 3 ans est à l'école, on imagine aisément quel pédagogue il a pu être: un homme de méthode et de fièvre, communiquant avec tripes et cervelle.
« J'ai une carrière atypique, c'est vrai, mais je dispose aujourd'hui d'un bagage. » Car, par son commerce intime avec les livres, Pierre Lemaître a formalisé un certain nombre de règles préalables à l'écriture: « Pour commencer un livre, il faut une situation de départ, un enjeu et la fin. » Et soigne d'abord ses personnages, assure-t-il. « Si vous n'êtes pas attentif, la mécanique de l'histoire phagocyte l'humain. Les bons personnages font les bonnes histoires, l'inverse est rarement vrai. Ce sont eux qui rendent l'histoire passionnante...»
Pierre Lemaître avait perdu confiance jusqu'au jour où sa seconde épouse demanda à lire quelque chose. « Je lui donne le manuscrit de Travail soigné. Elle est sûre qu'il sera publié. Je le réécris un peu, l'envoie à 22 éditeurs, reçois 22 lettres de refus. Carton plein ! Mais mon épouse n'en démord pas. De fait un éditeur me rappelle huit jours plus tard: il avait changé d'avis ! » Travail soigné (Le Masque, 2006) obtient le Prix du premier roman du Festival de Cognac. Suivent Robe de marié, prix Sang d'encre des lycéens, Cadres noirs, prix du polar européen, Alex , prix des lecteurs du Livre de poche, Dagger international...Le quotidien britannique le surnomme « the new Stieg Larsson ». Macha Séry. 

samedi 14 septembre 2013

François Augiéras, hors la raison, un barbare dans la steppe

François Augiéras, Le voyage des morts (Fata Morgana). Écrit en 1957, réédité en 1979.
Beau livre sur papier vergé
aux éditons Fata Morgana


Résumé: un jeune homme dit "je", il parle de lui, ses émotions au contact de la terre, de la pierre, de la peau. Le sommeil, le sexe, la douleur même sont vécues avec une vraie intensité. Il est sans morale, il se traite lui-même de barbare. Furieusement libre. Et blessé. Violé dans sa chair par son oncle. Auquel il reste lié, qu'il admire et hait à la fois, maître et esclave.
« Des plaisirs qui m'avaient été imposés par la violence et non sans larmes étaient devenus pour moi des habitudes nécessaires.»
Il faut lire ce livre en abandonnant nos filtres et nos repère moraux de tièdes démocrates. Parfois, on a envie de rire, mais la folie de l'extase d'Augiéras n'accepte aucune ironie, aucune espèce d'autodérision. Il est dans la sensation crue. Les chapitres sont donnés par des noms de lieux: Tadmit, Gardaia, El Golea, Agadir, sauf le dernier, sorte d'épilogue au Mali: le Fleuve.

François Augiéras est un barbare qui a vécu trop seul. Il écrit le soir à la lueur d'une petite lampe. Il aime marcher dans le désert, sous le ciel devenu clair, dans le silence de la campagne déserte. Il va au bordel aimer des putes de quinze ans ou suit dans la nuit des garçons indigènes et nomades dans l'espoir d'une étreinte amoureuse, au risque de la mort, armé de son revolver.

 Il fait un stage dans une contrée dangereuse, l'Algérie des années 50, juste avant la décolonisation. Il est destiné à devenir moniteur de la SAR  (secteur d'amélioration rurale) et mène une vie de berger, faire paître les bêtes, les vacciner, les passer au bleu de méthylène.
Sous la luminosité d'une extrême violence, on le prend pour un simple d'esprit. Il écrit avec ses tripes, uniquement concentré sur la sensation, ce qu'il éprouve au contact des forces de la nature, de la vie qui s'écoule si forte en lui. C'est ce qui frappe le lecteur, cette intensité à vivre la moindre sensation, le sommeil
«L'approche du sommeil était pour moi le moment le plus agréable de la journée, les yeux fermés, mais la lueur du poêle traversait mes paupières, je m'endormais au plus profond de moi-même. »
« Quel sommeil ! (...) Comme une bête au fond d'une étable, la tête sous les couvertures, je me nourrissais de sommeil comme j'aurais tété ma mère, yeux fermés, tout l'être palpitant de joie, suçant la vie à l'état pur, sans rêve. »
 
l'envie de sexe, la nature, le froid, le chaud, l'inconfort, la dureté. Il jouit de tout et nous le fait savoir par son écriture limpide, ses phrases dures et lumineuses. Sa prose consacre le silence et décrit des instants de solitude et d'extase. On découvre un frère un peu fou qui côtoie la mort. Exemple, quand il se couche près d'une bête morte et l'accompagne dans son agonie. 
« Elle bêla, ferma les yeux: pas un cri de douleur, un cri d'appel. Je la berçais. Elle vomit dans mes mains, je la savais condamnée. Son cœur battait à coups rapides: le bruit même de la vie. Qu'avait-elle connu de la vie, cette brebis née en décembre ! Je chantai doucement, pour elle. Elle ne bougea plus. Avait-elle passé ? La vie reprit dans son corps chaud, mais faiblement, comme soutenue par ma présence; il me semblait mourir moi-même.
Elle mourut à six heures du soir, ses yeux grands ouverts.  (...)»
Il vit tout à fleur de peau. Il écrit qu'il est délirant de gaieté, qu'il danse de joie, saoulé par l'air et la vie « ...mon îvresse incomparable devant l'amour, dans la plénitude de ma joie de vivre. »

« Je goûtai quelques instants de paix comme un dieu qui rêve. La fatigue provoque l'apparition dans le sang d'un poison qui drogue vraiment; j'étais éreinté, mais très lucide, l'esprit très libre. »

Il mourra jeune, c'est écrit. François Augiéras meurt à 46 ans, seul, pauvre, à l'hospice de Montignac. L'auteur maudit dans toute sa splendeur.
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L'objet papier: déniché à la bibliothèque Astrolabe, un livre qui n'avait été emprunté qu'une seule fois, le 5 décembre 1998, d'après la fiche collée sur la dernière page où, autrefois, on notait les dates de retour.
« Achevé d'imprimer le 13 décembre 1979, huitième anniversaire de la mort de François Augiéras, par l'Imprimerie de la Charité à Montpellier, ce volume a été tiré à mille exemplaires sur vergé ».
Un beau papier, épais, Le papier vergé est un papier qui laisse apercevoir par transparence de fines lignes parallèles horizontales dans l'épaisseur du papier. Elles sont laissées par les vergeures et les fils de chaîne (fils de couture qui fixent la vergeure aux pontuseaux) qui sont les fils en métal qui forment le tamis avec lequel est fabriqué le papier. Les pontuseaux sont les baguettes de bois qui soutiennent les vergeures et les fils de chaîne. Wikipédia


vendredi 6 septembre 2013

Georges Perec, énumérer le réel

Georges Perec, Tentative d'épuisement d'un lieu parisien. Christian Bourgois éditeur.
Les 18, 19 et 20 octobre 1974, à diverses heures du matin, de l'après-midi ou en soirée, Georges Perec, écrivain français, a décrit ce qu'il voyait. L'endroit choisi: la place St Sulpice, à trois postes d'observation, le tabac St Sulpice, le café de la Mairie et sur un banc.
Place St Sulpice 2012
 Google Street View

« Mon propos dans les pages qui suivent est de décrire  ce que l'on ne note généralement pas, ce qui ne se remarque pas, ce qui n'a pas d'importance: ce qui se passe quand il ne se passe rien, sinon du temps, des gens, des voitures et des nuages. »
Le quatrième de couverture est trop lyrique:  « un regard,une perception humaine, unique, vibrante, impressionniste, variable, comme celle de Monet devant la cathédrale de Rouen. Les mille petits détails inaperçus qui font la vie d'une grande cité. »
Non, c'est juste une contrainte et un exercice amusant et/ou ennuyeux. Tout le monde peut le faire et peut apporter sa perception des choses, du décor. Mais c'est lui qui en a eu l'idée.
Ce qui me reste de ce très court texte: une impression de monde en mouvement (les autobus, les pigeons, le temps), une France de 1974 avec divers détails disparus, l'humour de Perec, je l'imagine avec sa grande barbe et son air amusé derrière la vitre d'un café. La fatigue de l'énumération entraîne une sorte d'ironie, de lâcher-prise.

Je me suis amusé à noter ce qui n'existe plus, ce qu'on ne verrait plus de nos jours.

  • L'ORTF n'existe plus, on ne voit plus guère de méhari, on dirait SDF plutôt que clochard, et ils consomment au moins autant de bière fortes que le vin rouge à la bouteille. 

vélomoteur, vélosolexbaudruche bleue, boîte de Ripolin.
- On ne voit plus d'hommes à pipes et à sacoches noires. On les dirait sortis d'un album de Tintin, d'ailleurs, quand il voit tel chien, Pérec note: un chien genre Milou.
- Les deux-chevaux sont aujourd'hui devenues des objets de curiosité alors qu'elles sont tellement nombreuses que l'écrivain note "hantise des deux-chevaux vert pomme". L'autre voiture dominante: les DS, elles aussi disparues. Et l'Autobianchi Abarth, et la Yamaha 125 rouge.
- Il n'y a plus de vespas, de triporteur des postes, de flic à vélo, d'agent à képi, de grand-mère gantés, de grand-mère à cape qui font la tournée avec leur tronc pour la Journée Nationale des Personnes âgées. Et ceux qui ont déjà donné se signalent par leur petit écusson de papier.
- Mais il y a toujours des japonais photophages, sauf qu'ils ne sont plus les seuls maintenant, tout le monde prend des photos. Quand on pense que Flick'r n'existait pas à l'époque... Cela donne le vertige: que sont devenues toutes ces photos de Paris qui ont éclos au Japon il y a 40 ans ?...
- Il voit Jean-Paul Aron, Paul Virilio et l'agent de police n°5976 qui offre une certaine ressemblance avec Michael Lonsdale (qui lui existe toujours, chouette !)
- On ne dit plus aubergines pour désigner les contractuelles.
Voilà, en écrivant ce billet, je me rends compte à quel point ce court texte réveille des souvenirs, un peu comme un monde déshydraté qui se mettrait à regonfler... La mise en contact des mots avec une mémoire réveille des images, un monde sort de ce livre, comme un manège qui se mettrait à vivre, un peu comme à la fin du film Playtime de Jacques Tati.

La Jalousie, de Alain Robbe-Grillet

Littérature expérimentale
La Jalousie, de Alain Robbe-Grillet, 1957, éditions de Minuit.

La Jalousie s'adresse à un lecteur curieux qui a envie de sortir des sentiers battus du récit traditionnel. Ce n'est pas une lecture si difficile que ça si on a conscience du point de vue dans l'art en général, et en littérature en particulier.

Le lecteur doit s'incarner dans ce regard, en comprendre ou en inventer le sens.
On ne saura rien de celui qui raconte, ni son nom, ni sa situation. Le quatrième de couverture nous dit que c'est un mari qui surveille sa femme, mais ce pourrait être aussi bien un fantôme dont on dresse le couvert. Il ne parle pas, on l'ignore, il ne fait pas de bruit.
"Les chaussures légères à semelles de crêpe ne font aucun bruit sur le carrelage du couloir".  
Il décrit les choses et les êtres. C'est un regard qui constate la présence mais aussi l'absence.
 La silhouette de A..., découpée en lamelles horizontales par la jalousie, derrière la fenêtre de la chambre, a maintenant disparu.
 La topographie de la plantation est si soigneusement décrite qu'on a l'impression d'y avoir demeuré. Il capte des détails pour capturer le réel.
L'épaisse barre d'appui de la balustrade n'a presque plus de peinture sur le dessus. Le gris du bois y apparaît, strié de petites fentes longitudinales. De l'autre coté de cette barre, deux bons mètres au dessous du niveau de la terrasse, commence le jardin.  
Il observe le jeu de séduction entre A..., la femme du récit, dont la féminité attire le regard :
Il est manifeste qu'elle a déjà pris sa douche. Elle a gardé son déshabillé matinal, mais ses lèvres sont fardées, de ce rouge identique à leur rouge naturel, à peine un peu plus soutenu, et sa chevelure peignée avec soin brille au grand jour de la fenêtre, lorsqu'en tournant la tête elle déplace les boucles souples, lourdes, dont la masse noire retombe sur la soie blanche de l'épaule. 
et Franck, le propriétaire d'une plantation voisine, qui vient sans son épouse Christiane, prendre l'apéritif ou dîner. Ils sont servis par le boy. Les soirées se finissent dans l'obscurité complète sur la terrasse.
Il y a une attention extrême à ce que nous voyons tous les jours. Les détails infimes auxquelles nous ne prêtons pas attention. Une volonté de saisir le monde avec des phrases. En le pétrifiant dans des paragraphes, on le possède, on a un pouvoir sur lui. Le fait de décrire ou de se souvenir de choses auxquelles les autres ne prêtent pas attention donne un sentiment de maîtrise. Mais on a jamais accès aux pensées de l'autre. On ne peut que deviner, se tromper peut-être.
Les visions, les obsessions se succèdent. Jusqu'à brouiller la chronologie. La scène du scutigère écrasé, le cognac versé, les ouvriers à l'extérieur, les sons des grillons, la femme à sa coiffeuse, la main aux doigts effilés... Comme dans un esprit jaloux qui traque les mêmes souvenirs, les mêmes scènes. Ce que fait le "regard" du récit, tout amoureux obsessionnel a pu rêver de le faire. Saisir la moindre image fugace d'un être aimé et l'épingler avec des mots, comme pour en épuiser le mystère.
Est-ce-que j'ai aimé lire ce livre, que m'a t-il apporté ?
Des images restent très fortes, la plantation, la maison, l'acuité du regard du narrateur. Une immobilité qui ressemble à celle de notre vie de tous les jours. Nos moments de vide dans une journée, l'ennui sans lequel les moments forts n'auraient pas la même valeur.
Est-ce que je le conseille ? Je le conseille à celui ou celle qui aime écrire et qui voudrait s'inspirer des techniques de description ultra précises de Robbe-Grillet.

Un livre que j'avais au programme en Lettres modernes et que je n'ai jamais lu. Quand c'est obligatoire, officiel, c'est moins drôle. La lecture doit rester un vice. Et l'avantage du blogueur sur l'étudiant, c'est la liberté d'esprit, on lit comme lecteur, sans s'encombrer de théories littéraires. Même si, une fois terminé, je vais faire des recherches avec curiosité sur ce livre issu de la mouvance du Nouveau Roman. L'article de Wikipédia semble pas mal.

lundi 2 septembre 2013

La Rivière noire, un polar islandais qui manque de geyser

Myrká (2008) - La Rivière noire / de Arnaldur Indriðason, traduit de l'islandais par Éric Boury.

L'histoire: un meurtre sauvage, un homme baigne dans son sang, chez lui. On apprendra qu'il droguait les femmes avec du Rohypnol et les violait. Qui a voulu se venger ?
Été 2013, Télérama consacre un article
 et un entretien avec Arnaldur Indridason

Le point de vue est centré sur Elinborg, une enquêtrice de la police criminelle de Reykjavík. L'intérêt du roman, c'est le portrait et l'itinéraire de cette femme, comment elle concilie sa vie de mère de famille  et son métier. Elle a un mari garagiste, un ado révolté qui raconte sa vie sur un blog de manière indiscrète       (« Elle avait eu l'impression de fourrer son nez dans les lettres intimes de son fils jusqu'au moment où elle avait compris que n'importe qui pouvait lire ces textes. Elle fut prise de sueurs froides »), une fille surdouée la prunelle de ses yeux, et une passion pour la cuisine, notamment indienne (importance du tandoori dans le roman), qui lui permet de se vider la tête (« Elle s'était essayée à y incorporer quelques plantes aromatiques issues de la flore islandaise en utilisant du thym arctique, des racines d'angélique, des feuilles de pissenlit et du céleri des montagnes»). Tous ces détails de sa vie personnelle vont lui servir dans son enquête. Ils inspireront les intuitions qui lui permettront de savoir ce qui s'est réellement passé chez cet homme. Le romancier excelle à retracer son cheminement vers la résolution de l'enquête. Ce qui ne supprime pas les souffrances, celle du viol, ou de la disparition inexpliqué d'une fille.

Quand vous lisez "polar islandais", ça vous évoque des images d'île volcanique du bout du monde, des paysages aux couleurs singulières, une nature sauvage, un mode de vie, une langue qui n'aurait pas changé sur plusieurs siècles, un peuple de 300 000 lecteurs...
C'est à cause de toutes les images que j'avais dans la tête que ce roman est une relative déception. On ne sent pas l'Islande, on ne la voit pas. Pour donner un exemple, quand James Lee Burke écrit les aventures de Dave Robicheaux, on sent la Louisiane, sa moiteur, ses pluies et ses brumes, le lieu est un personnage à part entière. Là, le roman pourrait se passer en Angleterre ou dans un autre pays nordique.
Bref, c'est un roman policier psychologique plus qu'un polar d'atmosphère. J'ai trouvé que ça manquait de chair. Mais en regardant sur Babelio, je vois que les lecteurs de cet auteur disent qu'il a fait beaucoup mieux, notamment avec son personnage habituel,  Erlendur, qui a même sa page Wikipédia. On lui donnera peut-être une seconde chance.