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vendredi 21 août 2015

Joseph Bialot Rue du chat crevé

Joseph Bialot  Rue du chat crevé ( Série noire) 1983


Aussitôt commencé, aussitôt fini. On est emporté dans le monde dingo et imagé de Joseph Bialot. 
Ça commence par un accident de la route, une gamine renversée. 
« Dans la rue adjacente, une Dauphine hors d’âge émergea, vira à gauche, brutalement, trop brutalement. »
Ça continue avec un homme qui écrit le mot chômeur sur une étoile jaune avant de péter un cable et devenir un forcené qui tire sur les objets électroniques et les télés en particulier. 
« Le tueur, l’oeil vague, reprenait.
- Je me suis demandé à quoi ça rimait. Et ça ne rimait qu’à la télé, à ce miroir imbécile qui te vante le meilleur produit du monde pour nettoyer tes chiottes. Juste lorsque tu te mets à table. Ce miroir implacable qui te renvoie l’image du monde, ton image, le même monde débile que le tien. Six milliards de connards qui se lèvent tous les jours, qui bossent, bouffent, chôment, baisent, tuent, se branlent, se font tuer pour rien, pour le vide, la vidéo. Voilà. »
Pour payer un flacon de parfum au muguet à leur copine accidentée, une bande d’enfant cherche un stratagème pour obtenir de l’argent. Nino le rêveur va fourbir un plan aux petits oignons pour faire un hold up dans une gare...Il faudra le faire un lundi car « on vote dimanche, donc pas d’école lundi matin puisqu’on désinfecte toujours après les élections. »
Espérons qu’il ait plus de chance que son grand frère, le type même de ce que les flics appellent un petit casseur. Il est rencardé et fournit un faussaire et recéleur, le légendaire Kili des Puces. Et on n’oubliera pas Max et son tueur, le pitbull Rosko.
 Joseph Bialot Rue du chat crevé, ça sonnait bien et j’ai passé deux heures emporté dans la trombe d'un monde coloré où des enfants jouent aux adultes en mettant des masques de carnaval, kidnappent des chiens, où les pit-bull tuent sans pitié dobermans, berger allemand et vieil homme, et où une gamine n'aura jamais son flacon de parfum. A la fin, il ne reste qu'un conte cruel. Une belle découverte. Pour comparer, un Pennac en plus cruel et plus rapide. 

Exemple du style: 
« Louis-Ferdinand Cotencin, artiste lyrique en retraite, remontait la rue du Poteau, voie parisienne qui étire ses volutes pavées entre Montmartre et Clignancourt.Il traînait, sur des roulettes, le cabas noir des jours de marché et trottinait à petits pas rapides. Sa main gauche tirait, freinait ou suivait les mouvements de « Fourcy », son Scottish Australien à la fourrure noire. Une de ces bêtes ignobles que les hommes appellent chien et qui tiennent plus sûrement de la moquette à poils raides montée sur pattes. Un croisement raté par la nature entre une chienne, un hérisson et une brosse en chiendent ; un animal pervers qui mordait en douce, pissait dans les ascenseurs, polluait les trottoirs.Cotencin se moquait du qu’en-dira-t-on, adorait son chien. » p.83


Extrait de: Joseph Bialot. « Rue du Chat Crevé. » 

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