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jeudi 31 mars 2016

350 années de guerre d'un homme

La guerre éternelle  Joe Haldeman. Traduction Gérard Lebec, aidé par Diane Brower (J'ai lu)

Chronique des siècles de la guerre du futur.


Joe Mandella raconte sa vie à la première personne. Celle d’un guerrier engagé dans la guerre contre des créatures - les Taurans- dont on ne saura jamais au fond si elles avaient des intentions belliqueuses au début ou si ce sont les humains qui ont provoqué l’escalade de la violence par principe de précaution. On retrouve là l’absurdité de la guerre telle que Joe Haldeman a du la connaître quand il a été mobilisé au Vietnam en 1967-68 avant de reprendre ses études de mathématique. Son personnage, lui, ne pourra jamais revenir
 « Un pacifiste spécialiste de soudure sous vide autant que professeur de physique arraché à lui-même par l’acte de conscription des élites et reprogrammé pour être une machine à tuer »
Le roman est fait de ces va-et-vient entre les épisodes d’action pure, de lutte technologique toujours plus sophistiquée et les retours à la vie civile, moment de mélancolie où tout espoir de vie normale semble bannie, où la vie de couple ne fait pas partie du programme des guerriers. « Marygay et moi étions l’un pour l’autre notre seul lien avec la vie réelle, la Terre des années 80 90... »
Comme ils vont combattre dans le futur par saut collapsar, ils reviennent souvent dans une société qui a changé de norme...

La relativité nous piège dans le passé de l’ennemi, la relativité nous le fait venir pour nous du futur. 

L’hétérosexualité est considéré comme un dysfonctionnment émotionnel relativement simple à guérir. 

Le roman traite du conditionnement, qu’il s’agisse de celui des guerriers qui tuent sans le vouloir vraiment mus par un conditionnement de haine « on arrivait pas à croire qu’on s’était conduit comme de tels bouchers ». Ou le conditionnement des populations « un conditionnement de masse qui s’articulait sur l’idée qu’il était vertueux de vivre dans un espace aussi réduit que possible ». 


Très bon roman de 1975 qui réactive dans l’esprit du lecteur toute une gamme d'images de films de SF , on pense beaucoup à Starship Troopers pour la vie de troupe au combat à mort, à Battlestar Galactica pour les sauts dans l’espace. 

Le caillou Sigolène Vinson

Le caillou   Sigolène Vinson   (Le Tripode)



Mise à jour: je reprends le premier jet de cette critique deux mois après Il reste une impression douce-amère, une tristesse à essayer de saisir un peu de l’absurde de l’existence dans le temps...

Et à un moment donné, il faut que le livre emporte la partie. Gagner à la fin. Un peu, quoi...
Celui-là il a du mal. J’hésite. Ils en disent tellement de bien sur Babelio. J’ai sur les bords une certaine tendresse  pour son histoire. 

Quoi ? Quelle histoire ?

Une femme qui dit je, elle a 40 ans et se dit qu’il doit lui rester plus de 40 ans à vivre. Elle s’est mise en quarantaine de la société. Serveuse, elle est amoureuse en secret d’un client avec qui elle a fait une fois l’amour. Elle témoigne de sa solitude héréditaire. A priori, elle et moi, on devrait se comprendre. Pourtant, j’ai du mal à la suivre. 

« Je me suis enfoncée très loin dans la solitude, tellement loin que la parole est devenue une corde raide »
Son voisin, mr Bernard, meurt. Sa tête cogne sur les murs quand les pompiers descendent le corps, c’est au début du roman. 
Monsieur Bernard la sculptait. Se désespérait de bien la reproduire. Il passait beaucoup de temps en Corse. Alors, pour conjurer le vide de sa vie, elle part là-bas, à Capo di Muro...

« Aujourd’hui, je vais à Capo di Muro et j’ai besoin de courage. Il ne manquerait plus que je découvre ce que Monsieur Bernard est venu y chercher, cette vérité qui l’a poussé à cesser son traitement et a autorisé sa maladie de coeur à l’emporter. Pourquoi ne s’est-il pas servi de son arme ? Peut-être qu’il aimait mieux être rongé de l’intérieur. Nous sommes beaucoup à préférer ça. »
En Corse, elle se trouve une famille, Félix, Noël, Pierre, qui la traite de “sac à foutre“, mr Colombani...Elle dort dans une chambre où il y a un rocher, elle explore les environs, “des canyons ocres où les rochers ressemblent à des éléphants“, elle se baigne, elle mange des oursins.

Attention Spoiler...
D’un seul coup elle est vieille; 40 ans se sont écoulés. Bonne idée, se dit le lecteur qui se demandait chaque jour pourquoi il entrait dans cette histoire aux phrases un peu plates, un peu ternes. 

« Est-ce le moyen que j’ai trouvé pour tenir: oublier que 40 ans ont passé depuis que j’ai eu 40 ans ? »
Bon, le billet est terminé. J’ai mon quota de mots. Comme Sigolène Vinson eu son quota de pages. Je ne regrette pas d’avoir lu ce livre. Un peu de l’avoir acheté, 17 euros. J’aurais préféré l’emprunter à la bibliothèque. Peut-être qu’il va me rôder en mémoire, m’en rester un peu, une trace. Gros manque d’incarnation tout de même, juste une voix, faussement naïve, qui décrit ce qu’elle vit. 
Et puis ce prénom, Sigolène, c’est curieux. Je connaissais Ségolène. Pourquoi pas Ségoline ou Soligène. Et Vinson ? Pourquoi pas Pinson ? Ségoline Pinson, ça sonne mieux. Peut-être que c’est son vrai nom. 
Le pari aurait été d’écrire le truc le plus inintéressant possible, comme un exercice expérimental d’écriture, un livre test, un livre blanc : une femme en devenir-caillou. C’est tout de même un peu intéressant. Chez Charybde (où j'ai acheté le roman), ça donne "une fable touchante d'une beauté minérale"...

Bref, je ne sais pas quoi penser de ce livre.