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lundi 31 décembre 2012

Lectures de l'année 2012, on fait le tri.


 Depuis mes 13, 14 ans, je note tous les livres que je lis, associé à la date. Je bloguais déjà au collège, sans le savoir. Ce blog ayant débuté au mois de septembre, il manque les livres des huit premiers mois. Petit retour en arrière.

Le plus gênant, ce sont les livres qu'on a lu et dont on ne garde aucun souvenir....Exemple, La Convocation d'Herta Müller. Un prix Nobel tout de même... Je fouille ma mémoire. Ouf, ça me revient, vaguement, une femme harcelée par un policier qui l'interroge, jour après jour, dans une ancienne dictature de l'est, son mari qui s'alcoolise.... Je n'ai pas ressenti beaucoup de plaisir pendant la lecture, et il me reste peu d'images.

Ce n'est pas du tout le cas avec le livre suivant, Le commencement de nulle-part d'Ursula K. Le Guin, un roman d'initiation qui se passe dans un univers parallèle. Il suffit de me souvenir du personnage principal, ce gros garçon caissier de supermarché tyrannisé par sa mère pour dérouler mentalement le fil de l'histoire et revoir le "film du roman". Tout s'est imprimé. La fille mystérieuse, le village qui dépérit, la nature menaçante, les monstres invisibles...

Lu également, la fameuse Carte et le territoire, de Michel Houellebecq. Un grand plaisir de lecture, j'ai souvent ri, j'aime la plume décapante de Houellebecq, et la manière dont il traite son personnage, le Michel Houellebecq du livre, c'est très malin.
Déception par-contre du Mathias Énard, Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants, trop rapide, trop elliptique, phrases trop courtes pour le sujet, Michel-Ange qui élabore un pont pour le sultan de Turquie.

Polars. Le Lehane, Moonlight Mile, ne m'a pas marqué plus que ça pour le retour de ses deux héros récurrents, un bouquin de série, comme un réalisateur qui ferait un petit film de genre pour se renflouer, on lui pardonne, car en général, il nous épate.
C'était aussi le premier Val McDermid que je lisais, Quatre garçons dans la nuit, pas mal, lu sans ennui, et sans passion.
Heureusement, Ellory avec Vendetta était là. Un vrai grand roman de genre qui brasse histoire, mafia, vrais méchants, ambiance Parrain, le FBI...Savoir qu'il y a d'autres romans du même auteur à lire est un plaisir anticipé.

Un peu de SF, le Stephen King de l'année, Dôme, le premier tome,  faudrait penser à lire la suite un jour... Génocide de Thomas Disch, très noir, très désespérant, la fin de l'espèce humaine; j'ai aimé. Ce genre d'univers imaginaire laisse une couleur particulière dans l'esprit .

J'ai beaucoup aimé lire et regarder deux livres de photos. Eugene Atget, itinéraires parisiens, de David Harris, retrace le travail de ce photographe obsessionnel, qui photographiait les quartiers de Paris. A l'époque, l'appareil était lourd, et le temps de pose assez long. Le décor urbain comme un palimpseste, en perpétuelle transformation. Un modèle pour moi qui prend sans cesse des photos, fasciné par ce pouvoir de captation du réel.
Et puis Raymond Depardon, La Terre des paysans. Même si il y a peu de texte, c'est une vraie lecture approfondie. On contemple les photos, ces visages ravinés que Depardon immortalise, ces mondes en voie de disparition dans une France oubliée. De l'émotion pure. Un auteur culte.

Je garde aussi un très bon souvenir des livres d'histoire locale. Je suis souvent le seul qui lit ce genre de bouquin. Quand je les emprunte à la médiathèque, sur la dernière page, il reste souvent les feuilles à tamponner avec date du retour , disparues avec l'avènement des codes-barre.
Melun à la belle-époque, de René-Charles Plancke, notre grand historien seine-et-marnais. Un style très vivant, agrémenté de vieilles cartes postales, aux éditions Amatteis. L'auteur voulait aussi corriger les erreurs d'un autre ouvrage qui faisait autorité. On voyage dans les rues d'une ville disparue.
Tourisme et nature au XIXè siècle de Jean-Claude Polton, une thèse devenue un livre d'histoire sur la forêt de Fontainebleau. Une mine de renseignements, une synthèse sur le passé de la forêt de Fontainebleau, bien illustrée, passionnante. J'ai pris des notes quasiment à chaque page. Et le plaisir d'assister à la conférence qu'il a donné à Bois-le-roi, en septembre, sur Claude François Denecourt.
Le massif de Fontainebleau, de Jean Loiseau, un classique des années soixante, complète le précédent. Aussi étonnant que cela paraisse, je lis ce genre de bouquin sans aucun ennui.
Pas la peine de s'étendre sur les essais et manuels, juste pour mémoire, Contes et métaphores thérapeutiques, de David Gordon, je cherchais des idées, j'ai pris pas mal de notes, mais trop spécialisé pour moi.

Le "grand roman américain" dont je craignais les 700 pages, Freedom, de Jonathan Franzen, lu avec plaisir sur  le Kindle de base. J'ai pris des notes pour le chroniquer sur ce blog, où sont-elles, mystère, ce n'est pas grave, on en a assez parlé...Lu aussi, un recueil de nouvelles de Charles d'Ambrosio, très bien, un futur classique, Le Musée des poissons morts.
LA COLÈRE de l'année,  3 jours chez ma mère, de François Weyergans. Un écrivain reçu un peu partout, sympathique, avec son air lunaire, et encensé...Prix Goncourt de la daube, ça me fout en rogne de perdre mon temps de cerveau dans des mauvais bouquins qui n'auraient même pas du être publiés, des fausses valeurs flagrantes...c'est dit.
Voilà pour ce bref bilan. Je fais le point sur ce que j'aime vraiment lire, car, à force d'éclectisme, j'ai tendance à me disperser.

dimanche 30 décembre 2012

Nos maladies de civilisation



Saisissant, c'est le mot qui vient à l'esprit quand on finit la lecture de ce hors-série de Science-et-vie nommé Maladies de civilisation.
Pourquoi ? Parce qu'il est daté de Décembre 1976, il y a 36 ans. C'était hier...
Et on savait déjà. Souvent, il faut se pincer: oui, ces articles datent du début 1977...
 On a le sentiment que tout est déjà là, tout ce que les magazines de santé nous répètent à longueur de journée, tout ce que les pouvoirs publics pointent du doigt : combien d'articles du magazine pointent les effets néfastes de la sédentarité ? Combien de fois la malbouffe est-elle dénoncée ? Sans parler évidemment du tabac ou de l'alcool.
Passage en revue des articles et sélection de textes.
-Le coût du progrès de Henri Bour, un article bien équilibré qui montre ce que l'homme contemporain a gagné et ce qu'il risque de perdre. Il cite René Passet:
«Mais la croissance poursuivie sur ces bases, parce qu'elle omet de comptabiliser les coûts de l'homme et des dégradations de l'environnement, touche aujourd'hui aux doubles limites d'un univers fini aux ressources non illimitées et d'un monde vulnérable régi par des régulations dont le maintien des mécanismes conditionne la survie des sociétés humaines. »
On dirait du Nicolas Hulot.
- En danger dès la conception ? Les connaissances médicales et la prise en charge ont certainement progressé depuis cet article qui traite du fœtus.
«Une connaissance plus précises des périls auxquels peut être exposé le fœtus permettrait d'éviter bien des catastrophes. Or la femme enceinte est encore loin dans notre pays d'être assez bien surveillée. Les programmes de prévention qui sont de leur compétence technique exigent de l'argent. Et seul l'Etat est maître des choix. Dans une démocratie des citoyens bien informés devraient pouvoir influencer les décisions gouvernementales. »
- Notre air contaminé parle des polluants atmosphériques mais aussi des méfaits du tabac. En le lisant, on se dit que c'est fou qu'il ait fallu plus de vingt ans (30 ans en fait) pour interdire le tabac dans les lieux fermés, les lieux publics...
«Chaque jour, l'individu normal mobilise, par l'intermédiaire de ses poumons, quinze kilogramme d'air, le plus souvent contaminé. Par 24 heures, le rythme de la respiration se traduit par 20 000 entrées ou sorties d'air. Rien d'étonnant à ce que l'appareil respiratoire devienne la cible de toute dégradation du milieu aérien. »
- Vieillissement et vie moderne. Il y avaient 7 millions de français de plus de 65 ans recensés au 1er janvier 1973.  Comme pour l'article sur le fœtus, on peut noter un progrès de notre société dans la prise en charge des personnes âgées.
- Pollution des eaux et santé. Heureusement, on s'en inquiétait déjà en 1976...Depuis, le contrôles des eaux s'est amélioré, le traitement aussi, mais les polluants sont toujours plus nombreux.
- Cancer et environnement.
Page 60: «Dans toutes les professions où l'amiante est utilisée, il y a risque de cancérisation: mineurs, ouvriers des chantiers navals, de l'industrie du bâtiment, dans les professions où sont manipulés des isolants thermique.» Depuis, l'amiante a été interdite, des procès et des condamnations ont eu lieu, des morts aussi. Et dans l'article, l'amiante est traitée au même niveau que d'autres substances moins " médiatiques": amines aromatiques, benzol, arsenic, chlorure de vinyle. L'auteur (Georges Rudali) dit aussi (p.67): "Il serait difficile de trouver en France cinq chercheurs techniquement compétents dans ce domaine qui a dépassé le simple cadre des laboratoires"
- Trop manger mal manger. Il pointe la malnutrition par excès, la diminution des dépenses musculaires et énergétiques, trop de sucre raffiné (le sucre ne demande qu'un travail digestif infime et son assimilation permet de retrouver très vite un bien-être détruit par la fatigue ou un choc psychologique), l'excès de lipides saturés et de viande ( Le Français est le plus gros consommateur de viande de la CEE. La plupart de nos concitoyens surévaluent leurs besoins et surestiment la place de la viande parmi les autres aliments.), l'excès de sel...
- Alcool 77  « Nous connaissons de façon précise (en France) la consommation de vin depuis 1830; le chiffre de 200 litres de vin par adulte et par an, constaté en 1950-54 est comparable à celui de 1900. En 1974: 154 litres.» Par-contre, La consommation de whisky décuple.
- Toxiques et alimentation. Antiseptiques, antibiotiques, insecticides...accidents spectaculaires chez les agriculteurs qui manipulaient les esters organophosphorés, dangers des matériaux d'emballage en plastique.
- Un malaise généralisé ? Évolution de la normalité, on appelle aujourd'hui trouble psychiatrique ce qui, il y a 30 ans, passait pour une manière d'être. L'auteur, Jacqueline Renaud, conclut, p.103:
«Absence de silence, absence d'immobilité sont autant de carences (....) mais on vit plus vieux à Paris, dans les vapeurs d'essence, qu'à la campagne! On se suicide plus à la campagne qu'en ville (...) l'anxiété vient de l'insécurité actuelle. Soit. Mais depuis l'époque des cavernes, comment pourrait-on établir une échelle de sécurité comparée de l'individu? 1977 a ses inconvénients. Ils sont différents, mais sont-ils plus sérieux que ceux de 1877? L'an 3000 aura sûrement les siens...»
- Le cœur et les vaisseaux. Dans les pays développés, deux individus sur trois meurent d'un accident cardiovasculaire ou cérébrovasculaire. Tout ce qui est dit dans l'article est encore d'actualité.
- Sommes-nous malades de la médecine ? d'Alain Castaigne, chef de clinique-assistant  des hôpitaux. Visionnaire. Avec 35 ans de recul, c'est l'article qui m'a le plus fasciné. On voudrait en citer chaque ligne.

La prescription automatique de médicaments à la fin de chaque  visite  chez le médecin sert souvent à faire écran entre le médecin et son malade; et, I'assujettissement  permanent  à une thérapeutique  d'intérêt hypothétique a l'inconvénient de transformer le sujet en malade chronique.
Les intérêts financiers de l'industrie pharmaceutique, enfin, sont loin de concorder, à court terme au moins, avec celui des malades.

- L'homme et les rayonnements. Article intéressant, pro-nucléaire, dans la tradition de Science-et-vie.
«Pour la population générale, le niveau d'irradiation associé aux activités humaines est nettement inférieur à celui résultant des sources naturelles auquel notre espèce est soumise depuis ses origines» et aussi:
 «En France, c'est par centaines, voire par  milliers, que l'on doit compter les décès par accidents du travail. L'industrie nucléaire s'est montrée de ce point de vue fort peu meurtrière depuis environ trente ans qu'elle existe. Elle n'en constitue pas moins une cible bien connue pour les défenseurs de l'environnement», illustré par un ouvrier en équilibre sur une poutrelle tandis qu'au dessus des "barbus-chevelus"manifestent...
- Les toxicomanies page 138.                  - Société et maladie mentale p.148. Pas grand-chose à dire sur ces deux articles qui sont des passages en revue des drogues et des problèmes psychiques.
Le magazine est richement illustré par des photographies qui montrent une société qui nous paraît "démodée", mais qui est toujours la notre actuellement.
Le magazine format PDF (67 MO)

lundi 24 décembre 2012

Bibliothèques, guerre et prêt

Après l'article Les bibliothécaires défendent la gratuité des prêts retrouvé dans un Monde des Livre datant de 1995, cinq ans plus tard, ce sont les auteurs qui montent au créneau. Deux camps s'opposent. L'article est signé Alain Salles (aujourd'hui correspondant du Monde en Grèce).


Bibliothèques, guerre et prêt 

Alain Salles Le Monde (avril 2000)

La lettre était enfin prête, mais il a fallu la changer au dernier moment. Elle était adressée à Catherine Trautmann, qui était en train de préparer ses valises pour laisser la place à Catherine Tasca au ministère de la culture et de la communication. Celle-ci l'a trouvée pratiquement en arrivant au ministère, mardi 28 mars. Emmenés par le Syndicat national de l'édition, la Société des gens de lettres, et la Société française des intérêts des auteurs de l'écrit (Sofia), 288 auteurs ont interpellé la ministre en estimant que les prêts sans rémunération de livres dans les bibliothèques s'apparentaient à une "contrefaçon".


La liste regroupe des écrivains de tous styles, venant principalement des éditions de Minuit, de POL, d'Albin Michel, de Grasset, de PIon ou des PUF: Pierre Assouline, Nicole Avril, Christophe Bataille, Pierre Bellemare, René Belletto, Tahar Ben Jelloun, Juliette Benzoni, Yves Berger, Philippe Bouvard, Michel Braudeau, Emmanuel Carrère, Jean-Claude Carrière, Hervé de Charette, Bernard Clavel, Christine Clerc, François de Closets, André Comte-sponville, Marie Darrieussecq, Jean Diwo, Jean Echenoz, Louis Gardel, Henri Gougaud, Hervé Hamon, Roland Jaccard, Thierry Jonquet, Pierre Lepape, Bernard-Henri Lévy, Patrick Modiano, Amélie Nothom, François Nourrissier, Plantu, Patrick Rambaud, Yasmina Reza, Michel Rio, Alain Robbe-Grillet, Denis Roche, Olivier Rolin, Jean Rouaud, Claude Simon, Robert Solé, Jean-Philippe Toussaint, Henri Troyat, Zoé Valdès, Martin Winckler, etc.


La position de ces éditeurs et auteurs ne fait pas I'unanimité. De nombreux écrivains, chez Gallimard notamment, ont refusé de signer. D'autres changent d'opinion. Régine Deforges, qui a renvoyé la lettre signée à Albin-Michel et au Cherche Midi, demande aujourd'hui qu'on n'en tienne pas compte . Jean Pierre Vernant explique qu'il est en fait hostile au prêt payant par les usagers, tandis que Ie nom d'Amélie Nothomb figure à la fois sur la pétition des auteurs et éditeurs et sur la contre-pétition lancée par la directrice du

Salon du livre de la jeunesse de Montreuil, Henriette Zoughebi, qui demande un versement forfaitaire aux auteurs, par l'Etat, au titre du droit de prêt dans les bibliothèques . Cette pétition-ci regroupe une centaine de signatures, parmi lesquelles Pierre Bergounioux, François Bon, Michel Chaillou, Marie Desplechin, Pierre Dumayet, Jacques Lacarrière, Marie Nimier, pef, Daniel Picouly, Claude Ponti, Jean Vautrin, etc. D'autres ont publiquement manifesté leur hostilité au prêt payant, comme Jean-Marie Laclavetine, Michel Onfray, Dan Franck ou Baptiste-Marrey. 


RÉVISION DE LA LOI LANG ?

De son coté, I'Association des bibliothécaires français a envoyé une lettre ouverte aux auteurs signataires, dans laquelle elle explique que: pour tous les auteurs qui confirmeraient clairement leur volonté de ne plus voir leurs livres prêtés en bibliothèque gratuitement (précisons néanmmoins que, sur tous les ouvrages acquis en bibliothèque, nous payons bien entendu des droits d'auteur attachés à l'ouvrage, comme tout acheteur, que cet ouvrage soit ou non prêté !), nous diffuseront votre décision à toutes les bibliothèques, et informerons les lecteurs de la raison de cette interdiction du prêt que nous devrions leur imposer. L'ABF estime toutefois qu'il serait dommage que les principaux acteurs de la chaîne du livre participent ainsi à sa rupture. 

Chacun campe sur ses positions, soulagé de les avoir clairement exprimées. Les regards sont tournés vers le cabinet de Catherine Tasca, qui vient de nommer un nouveau conseiller pour le livre, André Ladouce, venu du quai  d'Orsay, où il s'occupait de la francophonie. La ministre de la culture a déclaré sur LCI q'elle comprenait que les auteurs aient une certaine angoisse sur l'économie de leur profession. D'un autre coté, a précisé Catherine Tasca, mon idée de la politique culturelle, de la décentralisation, me conduit à ne pas envisager d'affaiblir ou de compromettre la politique de la lecture publique. La lecture publique, l'accès gratuit aux livres, a-telle conclu, c'est ce qui fait qu'un nombre très grand de gens s'intéressent aux livres. On ne peut pas le mettre en danger, ce serait aller contre les intérêts des éditeurs et des auteurs. 

Catherine Tasca va rencontrer les différentes parties prenantes et chercher un moyen de sortir de la crise. La direction du livre travaille depuis un certain temps à une solution qui permettrait de résoudre en même temps la question du droit de prêt et celle de du plafonnement des remises aux collectivités locales. En effet, de nombreuses bibliothèques achètent leurs livres à des grossistes qui pratiquent des rabais importants que ne peuvent suivre les libraires. La situation s'est compliqué quand la Fnac a repris l'un de ces principaux grossistes, la Société françaises du livre. Editeurs et libraires demandent une révision de la loi Lang permettant de réduire le montant de ces rabais. 

dimanche 23 décembre 2012

Les égouts de Los Angeles


Les égouts de Los Angeles, de Michael Connelly. Traduit de l'anglais par Jean Esch.

455 pages d'un vrai thriller ! Rien que le titre donne envie. Titre US : The Black Echo: Comme il n'y a pas de nom pour ça, on en a inventé un. L'écho noir désignait l'obscurité, le vide humide que tu ressentais quand tu te retrouvais seul dans ces tunnels. Comme l'impression d'être mort et enterré dans le noir. Mais tu étais vivant. Et tu avais peur. Ton souffle résonnait suffisamment fort dans l'obscurité pour te trahir. Du moins, tu le croyais. C'est difficile à expliquer. C'est juste... l'écho noir. p. 365

À Los Angeles, le corps d'un toxicomane est retrouvé dans une canalisation de la ville. L'inspecteur Harry Bosch reconnaît la victime. Meadows était comme lui au Vietnam un "rat de tunnel", c'est-à-dire qu'ils nettoyaient des galeries souterraines creusées par le Vietcong. Les collègues de Bosch pensent qu'il s'agit simplement de la mort d'un toxicomane dans le cylindre étouffant des égoûts de la ville, mais certains détails attirent l'attention de l'inspecteur, et les évènements vont s'enchaîner, le FBI s'en mêler....Ce résumé montre un peu les limites du roman: on a l'impression d'avoir déjà vu ce genre de film au cinéma.
L'avantage de la littérature sur le cinéma, c'est qu'elle nous laisse notre liberté:  ralentir l'action, cette manière de vivre en temps réel des choses palpitantes et sordides, sans se salir les mains, comme ramper dans une canalisation et examiner un cadavre tandis qu'autour on ressent l'ambiance de la mégalopole californienne.

 Bosch est un enquêteur hors pair, beau portrait de flic teigneux, on imagine Sinatra ou Al Pacino dans le rôle. Le genre de flic qui se méfie quand les choses s'emboîtent trop bien, le genre de flic qui se frite avec  tous ses chefs...Sa collègue du FBI, Eleanor Wish, qui a eu accès à son dossier, campe en quelques phrases son portrait: Hiéronymus Bosch...La seule chose que vous a donné votre mère, c'est le nom d'un peintre mort il y a cinq cent ans. Mais j'imagine que tout ce que vous avez vu dans votre vie ferait ressembler les étranges visions qu'il peignait à un décor de Disneyland. Votre mère était seule. Elle a du vous abandonner. Vous avez grandi dans des familles adoptives, des foyers de jeune. Vous avez survécu, vous avez survécu au Vietnam, et vous avez survécu à la police. Jusqu'à maintenant du moins. Mais vous êtes un franc tireur qui fait un travail d'équipe. Vous avez réussi à entrer dans la brigades des cambriolages et homicides et à vous occuper des grosses affaires, mais vous êtes toujours resté un franc-tireur. Vous agissiez à votre guise, et ils ont fini par le vous le faire payer. 
Dès la page 112, Eleanor décrit Harry comme un survivant, et 200 pages plus loin, elle reste dans le sujet, quitte à en payer le prix...N'est-ce pas un peu son frère qu'elle sauve ainsi...
Autre limite du roman, son efficacité imparable, au détriment de la vraisemblance, du réalisme. Ce polar est une machine, un système où toutes les pièces du puzzle doivent s'emboîter, et on prend plein la vue.
Nous entrons de plain-pied dans l'action, en temps réel collé aux basques de l'inspecteur Harry Bosch. Nous savons ce qu'il entend, ce qu'il se demande, ce qu'il éprouve, dans un style sobre, descriptif, qui fait la part belle aux détails, aux objets réels de la vie quotidienne. Ce point de vue sur le personnage principal se décentre parfois sur des personnages adjacents comme les deux flics des affaires internes et leur chef, qui hésitent entre le lugubre et le comique, et servent de contrepoint au récit.
Si j'ai aimé? Bien sûr ! Mais je ne pourrais pas lire que ça. On a besoin, après, d'une littérature un peu plus hasardeuse, moins calibrée. N'empêche, si vous voulez un plaisir coupable de lecture, c'est ce qu'il vous faut.
J'ai fermé la dernière page, exténué par l'avalanche de révélations  qui suivent les scènes d'action dans les tunnels. Je suis sorti de là comme quand on sort d'une salle de cinéma et qu'on retrouve une réalité plus calme, les yeux papillonnent à la lumière du jour, il faut se remettre.

samedi 22 décembre 2012

Les égouts de Los Angeles, supplément

Suite au billet sur le polar de Michael Connelly, j'ai été rechercher sur Google Maps les lieux où le roman se déroule. Voici quelques images.



Il observa, au milieu des collines, la ville en contrebas. Le ciel était couleur de poudre et le smog formait comme un linceul moulant au-dessus de Hollywood. Au loin, quelques rares tours du centre-ville parvenaient à traverser la couche de poison, mais le reste des bâtiments demeurait sous le voile opaque. On aurait dit une cité fantôme. 

Le vent chaud était chargé d'une légère odeur chimique que Bosch finit par identifier.Du mallathion. Ce matin-là, la radio avait annoncé que les hélicoptères à drosophiles avaient passé la nuit à pulvériser de l'insecticide sur toute la région de North Hollywood, jusqu'à Cahenga Pass. Il repensa à son cauchemar et à l'hélicoptère qui refusait de se poser. 

Dans son dos se trouvait l'étendue bleu-vert du réservoir de Hollywood, 220 millions de litres d'eau potable emprisonné par le vénérable barrage construit dans un canyon entre deux collines. Une bande d'argile sèche de deux mètres de large, courant sur toute la longueur de la rive, rappelait que Los Angeles subissait sa quatrième année de sécheresse. En amont du réservoir, un grillage de trois mètres de haut ceignait toute la berge. En arrivant, Bosch avait observé cette clôture en se demandant si elle servait à protéger les gens qui se trouvaient d'un coté, ou bien l'eau de retenue de l'autre coté. 
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Bosch sortit à Barham et s'engagea dans Woodrow Wilson pour monter dans les collines au-dessus de Studio City. Il habitait une petite maison en bois construite en porte à faux: une seule chambre, et à peine plus grande qu'un garage de Beverly Hills. Bâtie au bord de la colline, elle était soutenue au centre par trois pilliers en acier. Pendant les tremblements de terre, l'endroit était effrayant, qui défiait Mère Nature d'ébranler les poutres et de projeter la maison dans la pente comme une luge. Mais la récompense, c'était la vue. De la porte de derrière, Bosch voyait jusqu'à Burbank et Glendale. Il apercevait les montagnes teintées de mauve au-delà de Pasadena et d'Altadena. Parfois, il distinguait les colonnes de fumée et le flamboiement orange des feux de broussaille dans les collines. La nuit, le ronronnement de l'autoroute s'atténuait et les projecteurs d'Universal City balayaient le ciel. En contemplant la Vallée, Bosch ne manquait jamais d'éprouver un sentiment de puissance qu'il était incapable de s'expliquer. P.73

lundi 17 décembre 2012

Les bibliothécaires défendent la gratuité des prêts (1995)

Vieux papiers
Je fais du tri dans mes vieux papiers qui prennent la poussière. En guise de numérisation, je prends une photo puis ils vont s'empiler dans la poubelle de tri sélectif. 

Redécouverte de cet article du Monde qui montre que les problématiques du droit d'auteur existaient déjà à l'époque. Tout ça ressemble tellement à ce qu'on vit avec le numérique, la copie privée, le piratage, la licence globale...


Les bibliothécaires défendent la gratuité des prêts 
Le Monde 21 avril 1995
par Catherine Bédarida
L'affaire tient en deux chiffres. Aujourd'hui, 100 millions de livres sont empruntés en une année dans les bibliothèques publiques, tandis qu'il se vend 300 millions d'ouvrages neufs. Un à trois: ce rapport est un phénomène nouveau, et il bouleverse le petit monde des professionnels du livre. Depuis 1980, les bibliothèques ont connu un essor exceptionnel. Le nombre de mètres carrés a doublé. La décentralisation, en 1986, a incité les maires à construire ou moderniser les bâtiments. Une nouvelle génération est apparue: les médiathèques, qui prêtent livres, disques, vidéos et parfois oeuvres d'art ou CD-ROM, attirent les jeunes (les moins de 35 ans représentent 82 % des inscrits à Nantes, par exemple).
Les vieilles biblis aux parquets grinçants ont souvent fait place à des architectures audacieuses. La part des Français inscrits dans une bibliothèque municipale a peu évolué (17 à 18 % selon les années). Mais le volume des prêts a explosé, passant de 59 millions en 1980 à 103 millions selon les derniers chiffres ministériels.
«Nous rendons grâces aux bibliothécaires tous les matins. Ils font un travail prodigieux en faveur des auteurs », reconnaît Paul Fournel, romancier, secrétaire général de la Société des gens de lettres (SGDL), qui regroupe quelque 13000 auteurs. «Mais, ajoute-t-il ausssitôt, le droit doit s'adapter à cette nouvelle situation. »
 Pour la SGDL comme pour une partie des éditeurs, le coup est parti: haro sur la gratuité des bibliothèques. Les auteurs doivent percevoir des droits pour leurs ouvrages prêtés, alors que stagnent les ventes de livres. «Lorsqu'un tirage est épuisé ou que le livre a été retiré des librairies, il continue fort heureusement à vivre dans les bibliothèques. C'est là que commence l'injustice à l'égard de l'auteur, affirme Paul Fournel. Bien sûr, il est heureux de savoir que ses ouvrages sont toujours lus. Il se sent néanmoins spolié de ses droits, dans la mesure où la présence d'un ouvrage en bibliothèque permet la lecture d'un texte à des milliers de personnes sans que l'auteur perçoive une rémunération. »
Éditeur de sciences humaines, un secteur économiquement fragile, François Gèze (La Découverte) plaide pour un droit payé par les emprunteurs, quand d'autres préféreraient que l'État soit le payeur: « La lecture publique et gratuite est certes un objectif sympathique et généreux, mais ses effets sont pervers. Les étudiants devraient payer de 5 à 10 F quand ils empruntent un livre en bibliothèque universitaire. »
Selon lui, la gratuité des manuels scolaires jusqu'à la fin du collège produit des générations d'enfants qui découvrent l'écrit dans des ouvrages "vieux et sales", dévalorisant le livre. Le prêt payant serait une manière de reconnaître qu'un livre est le fruit du travail d'un auteur, d'un éditeur. Sans auteur, pas de livre, répète Paul Fournel, et sans livre, pas d'éditeur, ni de libraire, de bibliothécaire, de relieur....« Pourquoi l'auteur serait-il le seul de cette chaîne à ne pas être rémunéré ?» interroge-t-il, constatant qu'entre les éditions de poche et les clubs de livres, les droits d'auteur rognés par les éditeurs et la baisse des tirages moyens, les écrivains voient leurs rémunération diminuer.
Une directive européenne de 1992 prônant le prêt payant a, un temps, réjoui ses partisans. Mais, grâce au flou de ses applications, le gouvernement français ne s'est pas senti tenu de modifier sa législation. Il n'empêche, d'aucuns, au ministère de la culture, prédisent que l'instauration d'un droit de prêt est inéluctable. Face à ces déclarations, une étude de l'Observatoire de l'économie du livre a le mérite d'introduire des éléments chiffrés . L'achat et le prêt ne sont pas des pratiques concurrents, mais plutôt complémentaires, démontrent les chercheurs. Les gros emprunteurs sont aussi de gros acheteurs. Les Français préfèrent acheter qu'emprunter. Ainsi, 40 % d'entre eux achètent des livres, sans pour autant fréquenter de bibliothèque.
Une telle étude n'a cependant pas désarmé partisans et adversaires du prêt payant, tant les débats sur la lecture constituent, en France, un sujet sensible. En première ligne du combat contre le droit de prêt viennent les bibliothécaires, presque unanimes. Une comparaison leur vient sans cesse : la lecture publique gratuite est une conquête sociale, au même titre que l'école pour tous. Attachée à ce principe, cette profession en déplore parfois les premières entorses: depuis la décentralisation, les mairies ont souvent instauré des droits d'inscription. Les Parisiens peuvent encore emprunter gratuitement dans les bibliothèques de la ville. Mais, selon l'Association des bibliothécaires français (ABF), 70 % des bibliothèques municipales exigent une cotisation annuelle, une pratique qui ne touchait que 28 % des établissements en 1978. Toutefois, les sommes restent modiques, de 30 à 100 F pour l'année, et enfants, RMistes, chômeurs en général en sont exonérés.
Malgré ces nouvelles recettes, la tendance des budgets d'acquisition alloués par les mairies est à la baisse depuis 1994. « Si l'on introduit des obstacles financiers et que l'on ne renouvelle pas suffisamment les collections, les lecteurs vont fuir les bibliothèques. Mais ils n'achèteront pas plus de livres. Ce sera une perte pour tout le monde», s'inquiète Claudine Bellayche, présidente de l'ABF.
Fierté des bibliothèques  le travail auprès des enfants, souvent mené en lien avec l'école, touche un public socialement plus divers que celui des adultes. Aujourd'hui, la moité des livres empruntés en bibliothèque le sont par des enfants. Si les défenseurs du prêt payant ont beau jeu de souligner que les usagers adultes des bibliothèques se recrutent dans les milieux privilégiés, ils s'inclinent devant le succès des opérations dans les quartiers difficiles. Sans toutefois renoncer à leurs revendications...
La plupart des éditeurs pour la jeunesse ne l'entendent pas de cette oreille. Dans l'univers de l'édition, ils se situent plutôt du coté des opposants au prêt payant, tout comme les éditeurs de livres pratiques et de manuels scolaires. « Nous travaillons depuis 25 ans pour que les enfants prennent le chemin de la bibliothèque, nous n'allons pas militer pour l'introduction d'obstacles financiers », explique Christian Bruel, auteur et éditeur (Le Sourire qui mord).
SITUATION DÉLICATE
Comme d'autres éditeurs jeunesse, il se targue de bien connaître son public, à force d'aller à sa rencontre. «Je ne suis pas sûr que mes collègues des secteurs plus menacés, comme la littérature générale ou les sciences humaines, aient cette connaissance de leur terrain», lâche-t-il aimablement...A ses yeux, l'efficacité du remède aux maux de l'édition -le prêt payant- reste à prouver.
La situation de la lecture est délicate en France, font observer les bibliothécaires. «Comme les librairies, nos établissements sont fragiles, déplore Claudine Belayche; en 1991, 18% des Français étaient inscrits en bibliothèque; l'année suivante, le pourcentage avait baissé d'un point. Rien n'est gagné. » Créer des lecteurs, donner envie de lire à un public  le plus large possible dès le plus jeune âge, répondre à ses attentes: l'enjeu semble trop complexe pour appeler des solutions-miracles.
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Villeurbanne, Arles, l'une est chère, l'autre gratuite 
La première est l'un des grands travaux de François Mitterrand. Construite à Villeurbanne en 1988, dans le fief du socialiste Charles Hernu, elle fait payer ses lecteurs. La deuxième, voulue par Jean-Pierre Camoin, actuel sénateur, maire chiraquien d'Arles, ouverte en 1989, est l'une des rares médiathèques municipales où l'inscription et le prêt de livres, disques, vidéos et oeuvres d'art soient entièrement gratuits. Toutes deux sont des symboles de la modernisation réusssie des bibliothèques publiques. Chacune d'elle bénéficie d'un lieu exceptionnel. La Maison du livre, de l'image et du son de Villeurbanne a été dessinée, depuis le bâtiment jusqu'au mobilier intérieur, par Mario Botta, architecte de la toute nouvelle cathédrale d'Évry. Le puits de lumière central ressemble d'ailleurs à une coupole, conférant un caractère presque sacré aux rayonnages de livres et aux salles de lecture. En Arles, il faut pénétrer dans le cloître de l'ancien hôpital pour accéder à la médiathèque, mariage étonnant d'une architecture de verre ultra-contemporaine avec les murs et les poutres du XVIe siècle. Les livres de sciences humaines et de technologie se trouvent dans cette salle de l'hôpital d'Arles peinte par Van Gogh, et l'on y reconnaît la porte de la chapelle et les fenêtres du célèbre tableau. 
A Villeurbanne, en plus de l'inscription annuelle (80 F pour un adulte habitant la commune), le lecteur débourse 4 F par disque emprunté ou acquitte un forfait mensuel de 60 F pour les vidéos. La bibliothèque a convaincu la mairie de rendre l'inscription  des enfants gratuite au 1er janvier 1995. « Depuis, nous enregistrons une hausse des prêts de 24 % au rayon jeunesse», se réjouit Jean-François Carrez-Corral, directeur de la médiathèque. Ouverte quarante-cinq et six jours par semaine, soit dix heures de plus que la moyenne des bibliothèques municipales dans les villes de même importance, la Maison du livre accueille un très large public: 20% de la population y est inscrite, et le volume des prêts dépasse la moyenne (6,7 prêts par habitants, contre 4,3 dans les villes de tailles comparable)/ Au hit-parade des emprunts figurent Tintin: Le Temple du soleil chez les adultes, Tom Tom et Nana pour les enfants, un disque de Jimi Hendrix, un film de Woody Allen et, à l'artothèque, une gravure  d'Alecchinsky. «Le principe d'un droit d'auteur sur les prêts ne me choque pas, affirme Jean-François Carrez-Corral. Peu importe s'il bénéficie d'abord aux best-sellers. Ce   n'est pas aux bibliothécaires de porter un jugement sur ce que les gens doivent lire. » Il préconise l'achat d'ouvrages par les bibliothèques à un prix supérieur à celui du marché. Le surcoût permettrait de rémunérer les auteurs. «Même si cela diminue un peu les acquisitions, il me semble préférable de respecter le droit de rémunération des auteurs», poursuit-il, en rupture avec l'opinion majoritaire de ses collègues. 
L'oeil tourné vers les iris du cloître de l'Espace Van Gogh, Jean-Loup Lerebours, directeur de la médiathèque d'Arles, s'enflamme. Champion de la gratuité totale, il a mis en pratique ses convictions. Avec succès: le quart des habitants de la petite ville sont inscrits, malgré des horaires malcommodes. Pour lutter efficacement contre les exclusions et l'illettrisme, il faut tout faire pour faciliter l'accès du plus grand nombre, affirme-t-il. Outre la gratuité, la médiathèque veut simplifier la vie des usagers: durée de l'emprunt portée à quatre semaines, absence de pénalités journalières de retard, présence d'une boîte à l'extérieur pour les retours en dehors des heures d'ouverture...Jean-Loup Lerebours est convaincu que les bibliothèques aident l'édition et la librairie, plutôt qu'elles ne la pénalisent. «Avant l'ouverture de la médiathèque, la littérature de jeunesse était peu présente dans les vitrines des librairies d'Arles. A présent, nous avons créé une demande en faisant découvrir ces livres et ces auteurs, et les rayons jeunesse se sont développés dans les magasins. »
La médiathèque achète ses livres et ses disques uniquement chez les libraires et les disquaires d'Arles ou de Montpellier.
En invitant des écrivains en résidence, en donnant par exemple carte blanche au poète Charles Juliet à la Maison du livre de Villeurbanne, en faisant venir régulièrement des auteurs, en les rémunérant pour ces interventions, en concluant par des ventes-signatures, les bibliothèques publique mènent déjà une politique d'aide aux auteurs, estiment les deux directeurs de médiathèque. Catherine Bédarida.
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samedi 15 décembre 2012

Des souris dans un labyrinthe




Des souris dans un labyrinthe, de Elizabeth Pélegrin-Genel. 240 pages vite lues, fades et peu inspirées. Mais d'autres avis sur Babelio.
Ce livre propose d'apprendre à lire l'espace en analysant ses agencements car l'espace dit toujours quelque chose  Il délivre un message que l'on peut saisir en décryptant les logiques économiques, symboliques....
Le livre commence plutôt bien mais ensuite il tourne au catalogue descriptif des lieux de la modernité, un vrai passage en revue avec des analyses trop courtes qui se diluent dans la banalité du propos. On commence par la Poste, et c'est vrai que nos bureaux ont changé peu à peu de physionomie l'un après l'autre : la Poste obéit de plus en plus à une logique purement marchande: nous distraire et nous faire acheter sans y penser, augmenter le chiffre d'affaire....
Elle parle de notre société qui se pense sur quatre roues, de la mode des carrefours giratoires et les décorations propres aux villes sur le terre-plein du milieu, de l'expansion péri-urbaine et des 100 000 ha de de champs et de prairies qui disparaissent  chaque année, tous les six ans l'équivalent d'un département. A quel point nous détestons les frîches, les lieux non aménagés.
De beaux passages sur le silence des bibliothèques, page 80, les lieux liés à l'autorité, tribunaux et palais de la République. Les abords de nos villes devenus uniformes, des non-lieux aux volumes similaires, espaces dupliqués d'hypermarchés: le client est une souris et il faut disposer le plus gros morceau de gruyère...Oui, c'est vrai, j'ai remarqué qu'on avait donné des noms de rue ou de place à certains espaces commerciaux, pour conserver l'illusion de la promenade.
Puis on ira à Las Vegas, loupe grossissante de la ville moderne, Disney, les parcs à thèmes, Paris plages, les Macdos, la laideur de Bénidorm...Si ses références sont intéressantes, ce catalogue lasse. Le livre est loin d'avoir tenu sa promesse.

mercredi 12 décembre 2012

Les aventures de Frédéric Exley



Le Dernier stade de la soif, de Frédérick Exley, traduit de l'anglais par Philippe Aronson et Jérôme Schmidt, 440 pages d’un livre culte, les mémoires pas si fictives que ça d’un être marginal qui retrace pour le lecteur ce long malaise qu'a été sa vie. Drôle et passionnant, même si j’ai du prendre un second souffle au cours de la lecture du livre.
Mais aujourd’hui, en revisitant de mémoire ce livre, relisant mes notes, je n’ai qu'une envie: le relire. Parce qu'au final, ce loser pathétique, avec son cerveau de pochtron, avec sa fourberie d’alcoolique, est assez intelligent pour emporter la partie.

Exley est le fils d’un héros de sa ville natale, qui mourra à 40 ans d’un cancer des poumons. Et il ne se remettra au fond jamais du poids de cette figure paternelle. Un père qui a le don d’écouter, même les marginaux, et qui aime se bagarrer en ville.

Le point central de la vie d’Exley, c’est son goût pour une équipe de football américain, les Giants de New York, son « antalgique » du week-end, « La vie pouvait recommencer. Le cauchemar de la semaine s’était dissipé. ». Il s’identifie au joueur star de l’équipe, Gifford, qu’il ne pourra s’empêcher de provoquer quand il le croisera sur le même campus. L’autre lui répondra par un sourire « avec ce sourire, il me signifia qu'il est lâche de faire porter aux autres le fardeau de sa propre douleur. »
Destins croisés…Possible aujourd’hui qu'on se souvienne davantage de Frédéric Exley que de Frank Gifford.
Le livre commence au moment où Exley croit faire une crise cardiaque alors qu'il écluse devant un match des Giants. Prétexte à revisiter les années antérieures de son existence.
Son enfance à l’ombre de ce père héros de la ville de Watertown, puis ses dérives alcooliques, la folie qui l’envahit à intervalles réguliers et ses séjours à l’asile. On pourrait croire que c’est sordide mais l’auteur s’observe d’un œil goguenard, et si le coté terrifiant de ces expériences est bien montré, la vie à l’asile, ceux qu'il côtoie, sont décrit avec un humour qui enlève de la gravité, comme si tout ça, la vie, était une bonne farce qu'on se faisait à soi-même, surtout quand on témoigne de l’incapacité de vivre comme tout le monde « Je témoignais d’un simple refus infantile et hystérique de reconnaître la validité de leur mode de vie. »
Sur sa route, il croise et magnifie des personnages originaux, l’Avocat, Studs, Oscar, son beau-frère Bumpy et surtout Mister Blue, ce vieil obsédé de la chatte, capable d’enchaîner les séries de pompes.

La plus grande force d’Exley, c’est qu'il se maltraite au plus haut point, on devine qu'il a du éliminer en écrivant toute forme de cadeau qu'il aurait pu se faire à lui-même…Et il s’offre à nous, il se donne avec sa dépouille d’alcoolique, dresse en fou furieux la liste de ses échecs pour supporter le poids des péchés du monde. Manière de réaffirmer les vertus consolatrices de la littérature. Le livre est très connu aux USA, et même étudié à l’université.

C’est aussi la rencontre avec un éditeur: Monsieur Toussaint Louverture, mise en page soignée: la couverture est en carton gris de 400 grammes imprimé en offset, puis durement foulé pour lui donner la vie. Le papier intérieur est du Lac 2000 de 80 grammes, main de 1,3.